Lobbying des géants du numérique à Bruxelles : 151 M€ dépensés, +33,6 % en deux ans
Lobbying des géants du numérique à Bruxelles : 151 M€ dépensés, +33,6 % en deux ans
Les grandes entreprises technologiques ont intensifié leurs efforts d’influence auprès des institutions européennes. Selon une analyse conjointe de Corporate Europe Observatory et LobbyControl, les dépenses annuelles de lobbying du secteur numérique atteignent désormais 151 millions d’euros, soit une hausse de 33,6 % en deux ans. Cette progression accompagne l’entrée en vigueur de règles européennes importantes comme le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA).
Les principaux dépensiers
Une petite poignée d’acteurs concentre une part significative de ces dépenses. Dix entreprises représentent à elles seules 49 millions d’euros par an, soit près d’un tiers du total. Le classement des premiers postes de dépense est le suivant :
- Meta : 10 millions d’euros par an
- Microsoft : 7 millions d’euros
- Apple : 7 millions d’euros
- Amazon : 7 millions d’euros
- Google : 4,5 millions d’euros
- Qualcomm : 4,5 millions d’euros
Depuis 2023, plusieurs entreprises ont notablement augmenté leur budget : Amazon (+4,3 M€), Microsoft et Meta (+2 M€ chacune) et l’association patronale DIGITALEUROPE (+1,25 M€). Apple, qui déclarait entre 3,5 et 3,75 M€ en 2021, a presque doublé son investissement en quatre ans.
Le secteur technologique dépasse désormais largement d’autres industries traditionnellement influentes : les dix premières entreprises numériques dépensent trois fois plus que les dix premières des secteurs pharmaceutique, financier et automobile réunis, et deux fois plus que le secteur de l’énergie.
Présence dans les débats et sujets abordés
Entre janvier et juin 2025, les grandes entreprises technologiques ont tenu 146 réunions avec des hauts fonctionnaires de la Commission européenne. Répartition des rencontres parmi les principaux acteurs :
- Amazon : 43 réunions
- Microsoft : 36 réunions
- Google : 35 réunions
- Apple : 29 réunions
- Meta : 27 réunions
L’intelligence artificielle est le thème le plus souvent évoqué, présente dans 58 des 146 réunions. Les centres de données et le cloud ont été abordés 23 fois, le DSA lors de 17 rencontres, le DMA lors de 16, et le projet de » Digital Fairness Act » également lors de 16 échanges. Ce dernier projet vise notamment à encadrer les mécanismes favorisant l’addiction numérique et l’usage de » dark patterns « .
Recours aux cabinets, agences et think tanks
Les entreprises ne se limitent pas aux contacts directs avec les institutions : elles consacrent plus de 9 millions d’euros par an à des cabinets de conseil, agences de relations publiques et think tanks pour amplifier leur message. Parmi les montants déclarés :
- Apple : 2,3 millions d’euros
- Amazon : 2,84 millions d’euros
- Meta : 1,5 million d’euros
Plusieurs centres de réflexion à Bruxelles, tels que Bruegel, le Centre for European Reform et le Centre for European Policy Studies (CEPS), reçoivent désormais des financements des principaux groupes technologiques américains.
Contexte politique et réactions
La pression politique depuis les États-Unis s’ajoute à ces dynamiques. Des responsables de l’administration américaine ont critiqué les cadres européens : en février, le vice-président JD Vance a estimé que » la liberté d’expression recule en Europe « , et en août le secrétaire d’État Marco Rubio a invité les diplomates américains à s’opposer au DSA. Le président Donald Trump a averti que des pays imposant des règles nuisibles aux entreprises américaines pourraient subir des conséquences.
Selon certains observateurs, il y aurait aujourd’hui plus de lobbyistes à temps plein pour influencer la politique numérique de l’Union européenne que de députés au Parlement européen. Bram Vranken, chercheur au Corporate Europe Observatory, qualifie cette montée en puissance du lobbying des GAFAM de » hautement alarmante » et appelle la Commission à renforcer l’application de son cadre réglementaire plutôt qu’à céder aux intérêts privés.
Conclusion
L’analyse met en lumière l’intensification des moyens déployés par les géants technologiques pour peser sur la réglementation numérique européenne. Entre dépenses directes, recours à des cabinets externes et financement de think tanks, ces acteurs multiplient les voies d’influence au moment même où Bruxelles met en place des règles structurantes pour le secteur.
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