Cybersécurité : pourquoi l’Europe peine à bâtir sa souveraineté et comment y remédier
Cybersécurité : pourquoi l’Europe peine à bâtir sa souveraineté et comment y remédier
À l’automne, les députés examineront un projet de loi sur la » résilience en cybersécurité « , présenté comme une réponse à la multiplication des attaques. Le constat qui sous-tend ce texte est net : la cybersécurité, et plus largement la souveraineté numérique, ne sont plus des sujets techniques réservés aux experts, mais des enjeux de sécurité nationale. Chaque dépendance – cloud, chiffrement, outils de sécurité – devient une vulnérabilité stratégique, une réalité renforcée par les tensions accrues avec les États-Unis sous l’ère Trump.
Un paradoxe : proclamer l’autonomie tout en cultivant la dépendance
Malgré cette prise de conscience, l’Europe demeure en retrait. Les géants américains bénéficient d’un marché intérieur massif et de moyens financiers considérables. Israël, pour sa part, a développé un écosystème de cybersécurité soutenu par des mécanismes publics et militaires qui favorisent l’émergence de startups mondiales.
Au lieu de mutualiser leurs forces, les États européens persistent à construire des » champions nationaux » indépendants : un cloud souverain ici, une messagerie sécurisée là, un SOC ailleurs. Cette fragmentation aboutit à des solutions redondantes, souvent incapables de dépasser les frontières nationales, face à des concurrents qui disposent de ressources en milliards alors que nos initiatives doivent se contenter de dizaines de millions.
Conséquence : un retard en recherche et développement, en attractivité des talents et en capacité de déploiement. De nombreuses pépites sont rachetées par des groupes étrangers (Alsid par Tenable, Sqreen par Datadog, Vade par Hornetsecurity puis Proofpoint), privant l’Europe des compétences et des capacités nécessaires à son autonomie.
Facteurs aggravants
La menace est mondiale et les pressions extérieures s’intensifient : restrictions américaines à l’exportation de processeurs indispensables à l’intelligence artificielle, modifications unilatérales des politiques de plateformes comme Meta – autant d’impacts immédiats pour les entreprises européennes.
À ces pressions s’ajoutent deux freins souvent négligés : le lobbying massif des grands fournisseurs étrangers et la méconnaissance technique de nombreux décideurs publics. Ces facteurs conduisent à des arbitrages parfois déconnectés des réalités opérationnelles.
Un exemple concret : la commande publique utilise encore des cadres contractuels obsolètes, comme le CCAG-TIC. Ce document, référence pour les marchés publics informatiques, comporte près de 40 % d’articles inadaptés aux spécificités du cloud. En conséquence, des solutions souveraines – pourtant techniquement et juridiquement appropriées – peuvent être écartées au profit d’acteurs étrangers dominants.
Construire une souveraineté par étapes
Il serait irréaliste d’imposer aux entreprises d’abandonner immédiatement les solutions les plus performantes. La continuité des activités exige souvent l’usage d’outils efficaces, même non européens. Mais cette nécessité immédiate ne doit pas empêcher une stratégie de long terme :
- Ouvrir progressivement des terrains d’essai non critiques aux solutions locales pour leur permettre de mûrir et d’atteindre l’échelle nécessaire ;
- Insérer dans les contrats des clauses de réversibilité pour éviter que des choix dictés par l’urgence ne créent des dépendances structurelles ;
- Réformer la commande publique et adapter les cadres contractuels (par exemple le CCAG-TIC) aux réalités du cloud et de la sécurité ;
- Concentrer les financements européens sur quelques acteurs capables d’atteindre une taille mondiale, même si tous ne sont pas français ;
- Profiter de l’entrée en vigueur du Cyber Resilience Act pour harmoniser le marché et créer des conditions de concurrence plus équitables.
La souveraineté numérique ne se décrète pas d’un trait. Elle se construit pas à pas, via un projet collectif où l’État fixe un cap, l’Europe mutualise ses moyens et les entreprises assument une part de responsabilité en favorisant l’émergence d’alternatives locales.
Sans marché pour ces solutions, il n’y aura pas d’autonomie. Mais sans pragmatisme – accepter aujourd’hui des solutions non européennes quand cela est nécessaire, tout en donnant les moyens à des alternatives de croître demain – la France et l’Union européenne risquent de rester dépendantes durablement.
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